Vite un poème

Vite un poème
c’est une urgence monsieur
une question de vie
et de mort
c’est pressant
comme le jour
comme le vent

il en faut un
c’est comme une envie
de rire


Vite un poème

je perds mon sens monsieur
il y des fissures létales
à combler
partout

donnez-moi :
des serpents
des coquelicots
un ange femelle et son véhicule
des toupies torves
trois étoiles lactées
un sorcier tapineur
une source verte
un gyrophare turquoise et doré
et le son de trente six trompettes
et tout le reste
j'ai pas le don pour les listes
oui tout le reste
sinon je bute les otages


Un poème bordel

la froidure emporte
mes boucles d’or monsieur
l’enfant se fige
en grimace
pour survivre
il entasse les masques
et c’est laid

le violent
le malin
le félon
le gentil
le doux
le charmant
j'en oublie cent mille
et voilà
encore un mort
vivant


Alors vite un poème monsieur

n’importe quoi
avec ou sans rimes
des mots perdus
des mots qui sonnent
qui chantent
qui roulent
qui râlent
des images

voilà
des images pour laisser fleurir
au chaud sous la couette
la nuit dans sa tête

des roses, des limaces, des poissons de nacre
des cratères aurifères
des tunnels d’agate et de lapis-lazuli
des nattes de déesse parfumée à la menthe
au suif de mouton, à la pierre humide, la totale !
et des caresses, des soupçons
des chansons, des filons sans fin de mots

n’importe quoi monsieur
mais vite


Un poème bon dieu !
pour les passants
allez balance la sauce

vite
la poissonnerie
est à court
de glace pillée
façon de dire
ils se dessèchent
insensibles
durs et blanchâtres
sans autre passion
que la peur

la seul fleur qui nous touche
c’est l’apocalypse

pétale de fin du monde
pistils mitrailleurs
étamines antipersonnelles

seulement l’apocalypse
pour nous
arracher
un sourire
un frisson
un ricanement
sinistre


Oui c’est une urgence

fait péter la sulfateuse
les mots malaxent
touchent des zones
d’espoir enfantin
des zones d'ombre
fraîches comme de la grenadine
l'été

des zones de brumes grises
dans les couloirs
où se traine
le doute
avec son goutte à goutte
dans le bras
qui râle du bizarre
de l'étrange
du vibrant
du beau tout doux
du soyeux
du moiré
on ne sait
jamais
jamais
jamais


Allez vite un poème

même un long
un trop long
même un dernier
même un mauvais
écrit au couteau
sur la cuisse
de Morphée

un de ces petits poèmes
micheto
qu'on oublie
mais qui laisse
comme une marque
de rouge à lèvre
sur le cervelet
comme une odeur de sauge
sous la fontanelle
un truc cool
à lire vite
avant l'dodo
avec un verre d'eau


Vite un poème

2 commentaires:

  1. Quelle inspiration, je suis éblouie. J’adore ! Vite un poeme, comme un baiser furtif ! ( cello )

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