Vanité

Un cafard se pavane dans les courbes d’une de tes orbites creusées, larme de chitine précieuse. Il se cache au moindre grincement de tes maxillaires, à la moindre ombre qui se dérobe.

Vanité !  Vanité ! Vanité !

Tes fontanelles galopent, serpent de montagne, rivages scoriaques qui dessinent, un peu dans la même veine que le Bostryche typographe sous l’écorce de l’épicéa, des tracés étranges qui, au sommet de ton crâne laisse parfois entrer la lumière.

Vanité ! ! Vanité ! Vanité !

A l’intérieur, c’est de la dentelle, une araignée gothique a tissé des membranes d’ossements. On dirait un de ces compartimentages en polystyrène où l’on range chaque chose à sa place. Mais il n’y a plus rien à ranger. Plus de cerveaux, plus de veines, plus de nerfs. Juste quelques pupes que je peine à extraire en jouant avec ton trou occipital.

Vanité ! Vanité ! Vanité !

Et toutes ces dents, d’or, de porcelaine ou d’argent : c’est ton sourire face à l’éternité. Un peu figé, certes, mais généreux. Les étoiles te remercient lorsque je te présente à la lueur de la pleine lune. Car oui, la lumière de la lune donne à ton teint une patine qui apaise un peu mon impatience à vivre incarné et prisonnier du désir.

Vanité ! Vanité ! Vanité !

Je t’embrasse sur l’os frontal et j'agace du bout de ma plume tes tempes si fragiles. Que pourrais-je bien faire de toi. Je serais un chien, je prendrais le temps de te ronger et d’aller te cacher dans le jardin. Je serais un assassin, je t’accrocherais au mur, et je dînerais en face de toi, à la lueur de la bougie. Je serais un fou, je te remettrais avec tes robes, tes froufrous et tes chapeaux dans le buffet des bons souvenirs. Mais je suis un poète alors je te caresse, je joue un peu avec toi, je t’enveloppe de velours noir, et je te glisse entre les lignes de ce poème méticuleux.

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délicieuse solitude
lentement je décortique un crabe

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素晴らしい孤独
ゆっくり蟹の皮を剥く*

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