Bois moussu

bois moussu
le rêve monte au nez
de l’explorateur


~~~

tout contre la falaise
j'écoute le silence
de la pierre


~~~

contemplation
les arbres respirent
le ciel


~~~

fils d'argent
dans le soleil l'araignée
tisse une source


~~~

blues des baies
près d'un genévrier
gratte un grillon


~~~

l'odeur de la rivière
emporte mon regard
le soir s'écoule


Les tomates

Les histoires de fruits et de légumes n’ont de sens que si elles sont fraîches et du jour. Il y a à peine quelques heures, au jardin dit botanique de la rive droite, j’ai eu une incroyable discussion avec une voleuse de tomates. Elle furetait autour du carré de ces belles solanacées que les paysagistes-ethno-socio- éco-magouilleur de service ont tracé et fait planter pour leurs congénères.

J’ai pris l’initiative de lui adresser la parole, gouailleur :


- Vous voulez que je vous aide à voler des tomates ?

- Je veux bien, je ne vois pas les rouges des vertes, je suis daltonienne !
- Daltonienne ou pas, si le gardien arrive, vous risquez d’en voir de toutes les couleurs.
- Ah ! Ah ! Ah ! Je lui dirai que vous m’avez forcé la main pour que j’aille vous les cueillir !
- Voleuse et menteuse, et bien si j’avais su, je serais resté sur mon banc à gratter mes précieuses voûtes plantaires sur la pelouse. Bon… Comptez les piquets, trois sur la droite, là elles sont bien rouges… et au bout, près du bassin, des petites cerises…

Elle se met à farfouiller dans le massif, grignote, recrache, prend quelques poignées en réserve, et me lance quelque chose. La tomate explose dans ma main. Elle éclate de rire :


- Elle est pourrie, comme vous. Ah ! Ah ! Ah ! Excusez moi, je plaisante, je suis comme ça, j’aime la fantaisie, et aujourd’hui… Je ne sais pas ce qui m’a pris en sortant du boulot, je n’avais pas envie de rentrer chez moi, j’avais envie de manger des tomates !


Tout en remplissant son panier de vélo grâce à mon indigne complicité, elle a continué la discussion, profitant de mes temps de parole pour croquer les fruits les plus juteux. Une fois le massif dépouillé, avant de partir, elle vint se poser à mes côté pour discuter…


Je ne sais pas comment nous en sommes venus à parler d’amour, mais le sujet arriva sur la table en même temps que ventre ballot d’un petit cumulo-nimbus en maraude, et alors que les blancs s’étiraient au milieu de cette conversation qui n’était plus qu’un prétexte pour se regarder dans les yeux, la pluie tomba.


Vous savez comme elle tombe cette satanée pluie, par petites touches, une goutte par-ci une goutte par-là et ça monte crescendo. Tous les deux nous avons continué à échanger, comme si de rien n'était.


Le parc était vide, la situation atmosphérique instable et nos silences gênants. J’ai compris que je pouvais l’embrasser, ou tout du moins, j’y ai pensé très fort et j’ai souri. J’ai imaginé ce premier pas, ce baiser impromptu sous la pluie et je suis allé chercher mon manteau :


- Excusez-moi, c’est que, malgré les apparences, je suis sensible, très sensible.


Elle m’a suivi et a surenchéri avec le sourire :


- Moi, mes meilleures expériences en amour, c’est avec des inconnus, des histoires uniquement dans le fantasme, des instants volés à la grisaille du quotidien.

- Comme des tomates !

Elle sourit, et là, le coup de grâce, j’ai sorti ma botte secrète, j’ai un don pour conclure, j’ai changé radicalement de discussion. Un sujet très ennuyeux, comme la transition écologique ou la place de l’homme dans une salle d’accouchement, ou même pour les cas les plus extrêmes l’augmentation du diesel. En réalité je ne me souviens pas de ma diversion maladive, juste de l’agacement que j’ai vu passer dans son regard.


Aujourd’hui, je pense à ses hanches solides que j’aurais pu attraper, à l’odeur de ses cheveux dans lequel j’aurais pu plonger, à nos bouches qui se cherchent encore sous la pluie…


... et à toutes ces tomates que personne ne ramasse au jardin botanique et qui se dessèchent dans la terre.



Johann Wenzel Peter





Douze coups

douze coups
de minuit... la cafetière
encore chaude

~~~

un chien aboie,
enfermé dans une cour...
le temps change

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cette mouche
sur l'abat jour illuminé
elle fait sa prière ?

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nuit noire
sous son aile le corbeau
cache des étoiles

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perdu pour perdu
autant suivre la direction
du vent ~ quel automne

Les compagnons blancs "Façon haïbun"

Silène, satyre de son état, père de Dyonisos, a prêté son nom à la famille de cette plantes. Un silène donc, mais qui s'ouvre le soir et qui grâce à ses flaveurs d’acide phénylacétique attire à lui les papillons de nuit.

Il y a des silènes de toutes les couleurs et de toutes les formes : à pompons, à roulettes, des géants, des scabieux, des mauvais, mais là, je te parle du Silène Latifolia.


Lychnis dioïque, si l'on veut être tout à fait précis. Celui là qui accompagne le rôdeur rêveur, de ses pétales blancs, presque phosphorescents sous l’emprise des rayons de la lune.


Entre les collines, les prés et les fermes, quand les chiens attachés insultent ton errance obscure, quand tu marches sans but dans la nuit, ces silènes aux flagrances étranges, de leur présence légère et magique, de leurs indifférences végétales salutaires, caressent ta solitude pleine de larmes de ces nuits où tu te perds.


~~~


une odeur de miel
s’élance vers les étoiles
le corbeau frissonne


~~~


Ah ! T’emmener une fois promener sans but dans la nuit. Noir comparse aux ardeurs fraternelles, je te présenterais à ces compagnons blancs.

Ainsi quand tu seras perdu, loin de moi, avec un peu de chance et si c'est la saison, toi qui aimes le miel, tu verras, ton âme n'en reviendra pas et tu te retrouveras.

~~~

Foudre !

Foudre ! Foutre ! Fougue ! Fouet ! Tel une torpille
Il fond sur nous sans fin. Un espoir insensé,
Comme des viscères qui suivent l'étripé
Traine dans son sillage de volutes et de vrilles.


Ses rayons de soleil touchent aux muscles divins.
Le rire et la candeur se noient dans ses dentelles.
Alors qu'une ombre acre tire sur les ficelles
La bave qu'on crachait se boit comme du vin.


Cet oiseau bleu nous attache et nous lie au lit,
Remuant dans ses serres nos enfances noueuses,
Éteignant de son bec nos cris : trophallaxie !


Bouche à mouche ! Peau à peu ! On creuse !
La solitude nous manque comme un ami.
On s'échoue l'un sur l'autre, tendresse paresseuse.

Nuit d'automne

nuit d'automne...  ah ! ah !
le velours rose des étoiles
m’empoissonne... oh !
le colchique ténébreux
complote sous les feuilles


~~~


Jeudi 11 octobre

Toc ! Toc ! Toc !

Toc ! Toc ! Toc ! Trois coups frappés de l'os qu'il reste
Au bout de mes menottes. Trois coups secs : Toc ! Toc ! Toc !
Tu sais, c'est bien pis que de répandre la peste
Briser ce silence d'un affreux coup d'estoc !


Qui sait ce qui serpente, tapi derrière la porte.
Toc ! Toc ! Toc ! Qui sait ce qui se fomente là.
Dans l'attente mon cœur éprouve son aorte.
Ce bouquet de fleurs du soir, il sera pour toi


Si tu ouvres. Toc ! Toc ! Me voilà au supplice !
J'ai le goût de la lie de la lie du calice
En bouche. Toc ! Toc ! Tiens ! J'entends des pas furtifs !


Est-ce toi ou bien est-ce une de tes malices ?
Je refrappe, seul, oui je sais c'est du vice !
Toc ! Personne ! Toc ! Toc ! Là, c'est définitif !

Les escargots "façon haïbun"

Sur la piste cyclable qui longe la rive droite la pluie étale une pellicule brillante sous la lumière des lampadaires. Des prairies de luzerne et de folle avoine alentour, les escargots jaillissent, véritables bolides de glaire et de calcaire.

Ils jaillissent, grisés par la pluie et l'eau mais depuis mon guidon de vélo, ils ne sont que de petites pierres vivantes, immobiles.


Immobiles parce que tout est relatif et que moi aussi je jaillis pressé de rentrer au chaud et au sec dans ma coquille bien douillette.


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premiers froids
je regarde les bûches
avec gourmandise


~~~


J'évite les gastéropodes, mais comme il y en a de plus en plus, je me retrouve à zigzaguer comme un zigoto. Un instant, juste un instant, je renonce, aigris, agacé par la pluie glacé, criminel endiablé, oui ! je craque.


Au premier bruit de coquille sous mes pneus, je me remets à zigzaguer comme un zigoto, plein de honte et de douleur comme si c’était mon cœur en personne que j'avais écrasé.


~~~


dans la cheminée
un morceau de châtaignier
feu d’artifice


~~~


Le lendemain à la même heure, sur le même trajet, le goudron est sec et la lumière des lampadaires révèlent les traces de salive de mes amis de l'autre soir.


Les dessins argentés, moirés et tarabiscotés finissent parfois par un petit tas noirâtre, sans croix ni fleur.


~~~


le perce-oreille
prend la poudre d’escampette
l’écorce flambe


~~~


J'ai toujours pensé que les escargots étaient des extraterrestres, arrivés de l'espace il y a des millions d'années dans un vaisseau coquille collectif, ou bien dans des œufs agglomérés en une immense grappe de bulles multicolores, et qu'ils colonisaient doucement notre planète.


Depuis tout petit, je regarde avec inquiétude les dessins étranges que leurs mucus en séchant laisse sur les murs, hiéroglyphiques reflets de leur intelligence et de leurs tentatives désespérées de communiquer.


~~~


matin brumeux
sous les cendres tièdes
un œil de braise


~~~


C'est tellement difficile de se faire comprendre. On fait comme on peut, on prend ce qu'on a, des traces brillantes, ce n’est pas le pire des outils.

Moi aussi je laisse des traces brillantes. J'essaye désespérément de me faire comprendre juste avant de me faire rouler dessus par l'inique et froide indifférence des usagés de la piste cyclable.
Je donne des coups de langue, des coups de pinceaux, de mots, de son, de matière, de folie, de poésie.

~~~


feu de tout bois
dans la fêlure une flammèche
multicolore



La troisième ombre

Il y a en moi... une ombre. Je la promène au crépuscule, avec mon ombre, l’autre, celle qui s’allonge derrière quand je regarde le ciel s’ensanglanter. Tous les trois, une fois que le soleil a fini son cinéma, on s’engouffre dans les sentiers sombres, et on se rassemble.

~~~


blague d’araignée
une feuille s'est pendue
au milieu du chemin


~~~


Les idées noires galopent, avec leurs petites pattes molles, partout. Je cherche une issue comme on cherche de l’air en remontant des Abysses. Il est loin le coup de talon qui nous a propulsés vers cette pâle lumière entre les algues.

Je grogne et je râle en fouillant les combes hirsutes de ronces. Cahin-caha, j’arpente en boitant, la bave aux lèvres.


~~~


la nuit dans la forêt
le grand méchant loup
c’est moi


~~~


J’aperçois un banc à la croisée des chemins, la fameuse, celle où le diable donne des leçons de guitare. Je m’y assois avec cette ombre qui me reste à l'intérieur. Vivante elle grouille dans mes fleurs. Je respire calmement pour l’arracher à la prairie de mon plexus.


...


Le fragon épineux bruisse légèrement, et dans les plis tourmentés d’un tronc, je repère le sourire d’une fée. Ses pas dans les feuilles mortes feulent et chantent, glissade sensuelle, et ses yeux au parfum de mûre, s’accrochent dans mes iris incrédules. Mais…


~~~


le spectre ricane
les visages dans la hêtraie
disparaissent


~~~


La pollution lumineuse donne au ciel une teinte grise, très sombre. Je reste là, en deuil des instants merveilleux de ma vie, flottant dans cette pénombre louche, et j’écoute le silence grignoter le temps.


~~~


coup de blues
la nuit tombe
au fond du bois


~~~


Enfin, je me lève. Je suis presque seul maintenant. La peur du noir, sublimée par ma nature mélancolique, travaille le monstre. Une symphonie commence : Je renifle la terre, j’éprouve les branches pourries, je goûte la pulpe crue d’une châtaigne, je me pique et je me griffe, je chantonne et je m’ouvre, pupilles dilatées.


~~~


cri de la chouette
les ténèbres chassent
les ténèbres


~~~








Amours mortes

sirupeuses
les boucles de son or
lacèrent ma mémoire


c’est la lune dans ma baignoire qui danse avec une queue de sirène
c’est le blues, la valse et les marches sombres des premiers siècles qui s’écoulent de ses mamelles tendres et splendides


entre deux promenades sur ses remparts
la vue, l’espace, l’immensité de son sourire,
une odeur de printemps au cœur de l’automne,
tout cela sur la tranche de ses ongles

à jamais


les biches, les fleurs, les rires de nymphes,
les carillons fêlés qui tintinnabulent aux coins des murs envahis de roses et de fourmis,dans les monastères vides des montagnes hantées de soleil nostalgique,
le flot des torrents, l’ombre des lierre, la soupe, le tourbillon de feuilles jaunies dans les petits matin fraîchus
 

tout cela me ramène
à sa folle raison
à son fluide
à sa vase
chaude


par delà les collines qui roulent
le givre dessine des crocs
à mes sourires
de longues dents qui me rongent


de mon cœur
elle n’a fait qu’une bouchée
une bulle de sang
un "slurp"
un rot


je me sens
depuis
ruche
sans abeilles
à l’orée du bois
dans ces herbes hautes
pourries de mousses et noircies

il ne manquerait plus qu’on me prenne
pour une boite aux lettres
sans nom


d’elle
j’ai ce voyage
un fracas d'ailes rongées
plumées
de routes fouettant l’horizon
le souvenir de ses longs doigts de fées
dans mes cordes

le son
des vagues
de salives

une impression
vague
de vin d’eau
pure
de lumière
dans les os


hélas
l’univers est une vaste
fumisterie
poussière désenchantée
en proie
à une chute
sans fin
depuis


une telle solitude
accouchera
d’un joyau d’horreur
ou d’amour
peu importe la couleur
ce soir je ne sais plus


dans cette forêt de cyprès
pleine de grise nuit
je m’emmêle les pinceaux
j'en pleure des moineaux
en écoutant les préludes
de Debussy*


sur la tombe des vivantes
personne ne pose
de couronnes


~~~


*Poème écrit à la louche en écoutant les préludes de Debussy. Arabesques, clair de lune, estampes et nocturnes...

Toute ressemblance avec des personnes existantes serait purement honorifique, nonobstant et sans préambule par delà le corollaire déclaratif de l'aurore... 


Zéro faute

Un petite série de #senryū doux et de saison. attention à ne pas éclater de rire trop près de votre écran si vous n'avez pas de lingettes auto nettoyantes !

zéro faute
le cancre rend une page
blanche


~~~


entre cucurbitacées
et cumulo-nimbus je suppute
la concupiscence


~~~


elle miaule,
enrobage peau de panthère
je petite souris


~~~

liste de courses
une douzaine de haïkus
dans mon panier


~~~


le fin du fin
une plage de sable
en poudre


~~~


petit matin
elle épluche ses kiwis
il se gratte les...


~~~


dans l’église
monsieur le curé
fait le malin


~~~


les spectateurs
mon spectacle
préféré


~~~


duo de mouches
celle du dessus
pinaille

Ruine "façon-haïbun"

Lorsque je tombe sur les restes d'une maison en train de s'effriter comme un chicot, je sens les vies passées par là et leurs fantômes glissent leurs palmes mélancoliques dans les nerfs fragiles de mon cœur affolé.

Je touche les pierres et mon enfance est là. J'habite la demeure un moment. L'odeur de la mousse se mêle à l'odeur de l'humus. Des années de feuilles retenues par les restes de murs, ses murs qui retenaient la chaleur d'un foyer.


Je calcule l'énergie qu'il faudrait pour tout reconstruire. Les ongles retournés, la sciure, la terre à nue, la boue des jours de pluie, le sang, la sueur, les rires nécessaires pour remettre un toit, là, sur cette ruine.


~~~


Fête de famille
tellement d'enfants qu'on dirait
le paradis


~~~


Et puis je reprends ma route, laissant tous ces rêves passés et futurs aux outrages du temps, aux longs grignotages des cloportes, à la succion des vers, aux piqûres des becs fouineurs, au vent, à la pluie, aux racines, aux coups des passants hystériques.

Dans les branches tortueuses de ma mémoire, la ruine devient un nid de plus pour les petits corbeaux qui voltigent en permanence dans ma boite crânienne, essayant sans y croire de gober l'araignée qui se balance au plafond.

~~~


Tas de pierre
le crapaud reste
dans sa bulle



Premiers froids

premiers froids
je sors de l'ombre


~~~

ah! jour blanchâtre
je me languis de la nuit
dans ton ventre vide


~~~

la mort au jardin
entre ses doigts les framboises
éclatent trop tôt


~~~

derniers jours d'été
bientôt le décès des feuilles mais...
d’abord... l'agonie !


~~~

aurore routière
les arbres encore pleins de nuit
mangent les étoiles


~~~

ciel gris bleu
quelques gouttes transpercent
ma solitude


~~~

faim de loup
dans le pommier
la lune


Fin fond des bois

fin fond des bois
sous les feuilles une odeur
de terre et de vie
je m'allonge dans un rêve
de champignon écureuil

~~~

Jeudi 27 septembre

Notice

Précautions d'emploi :

- Servir très frais avec des fruits et de la lumière.
- Respecter les doses, une utilisation trop intense est dangereuse pour votre santé mentale et physique. - Pour l’ouvrir sans danger utiliser le pinceau fourni avec.
- Éviter les coups de dents, d’ongles et de gueule.
- Extrêmement sensible à toute tentative de castration et autres usages douteux.
- Pour le garder intact respecter le silence et l’obscurité.
- En cas de lassitude, le jeter dans la nature, près d’un bois de châtaigniers, en automne.  (Ne pas prévenir la police, surtout pas.)

- Entièrement biodégradable.
- Pour activer l’option «guitare» faire une prière.
- Ne pas l’arrêter au bout de trois chansons sous peine de redémarrage intempestif.
- Se mange, se fume, s’infuse, s’injecte, se vapote. Tout est possible avec les accessoires appropriés.
- Pour l’option « Papa » veuillez commander en catalogue le module « psychanalyse » sous peine de dysfonctionnement grave.
- Si par hasard votre modèle devient cynique et irritable plus de trois heures par jours l’amener à la montagne et/ou revoir votre discothèque.

Entretien quotidien :

- Remplir toute les heures de café grand cru.
- En cas de panne de café, utiliser des médicaments à la caféine.
- Faire une à deux promenades par jour… 

Balade en forêt

Petit matin, je gare mon auto, et je me retrouve happé par les jeux d'ombre et de lumière bruissant d'une petite forêt qui recouvre le vallon de la sangle quelque part entre Ruffec et Civray... Et je suis parti, loin, loin loin...

~~~

Balade en forêt ~
j’écoute le vent dans les branches
à pas feutrés

~~~

Balade en forêt ~
un arbre en travers du chemin
hop !

~~~

Balade en forêt ~
humide et noire la souche
témoigne

~~~

Balade en forêt ~
excusez mon retard
je me suis perdu

~~~

Balade en forêt ~
passant prés d’une bauge
la peau me démange

~~~

Balade en forêt ~
comme j’aime le coté voyou
des châtaigniers

~~~

Balade en forêt ~
au fond du vallon
l’antre du lierre

~~~

Balade en forêt ~
derrière moi dans la grande allée
la blanche biche

~~~

Balade en forêt ~
au carrefour quelques rousses
fougères frissonnent

~~~

Balade en forêt ~
pieds nus dans les feuilles
soudain, je bogue

~~~

Balade en forêt ~
les troncs se frottent
au chant des oiseaux

~~~

Balade en forêt ~
Au loin, mon dieu ! Un cadavre !
ou bien non, des poubelles…

~~~

Balade en forêt ~
Je monte dans ma voiture
et je m’arrache

~~~

Lundi 24 septembre

En route vers la mort

en route vers la mort
ah ! ces avoines sauvages
de plus en plus belles


~~~

L'autre soir, en maraude sur mon vélo, je roule alors que l'obscurité envahi les tunnels de verdure de la piste cyclable qui relie Bordeaux à Sauveterre-De-Guyenne. Je n'ai pas de lumières et je vais vite, très vite, lancé de toutes mes forces sur cette pente douce gravie un peu plus tôt.
Je n’y vois rien.
Je ne vois personne et personne ne me voit.
Je déboule comme un diable perpétuellement accouché par les ténèbres et c'est très bien…


~~~

funambule
sur la ligne blanche
en roue libre


~~~

Herbes coupées, terre humide, mélifluants compagnons blancs, sirupeux épilobes, folles berces à tête de fantômes, viandes grillées sur les braises d'un barbecue fumant derrière une haie de thuya parfumé, effluves de vases noires, de poissons, de charognes mystérieuses : toute une gamme de sensations me transporte de l'enfance à la mort dans un cortège d'étincelles mélancoliques.

~~~

odeur de souffre
du bout des doigts je fouette
les feuilles du sureau


~~~

Sous la lumière orange et stroboscopique d'un lampadaire défectueux je pose pied-à-terre. Je sens les gravillons rouler sous ma semelle, j’écoute les grillons qui n'ont rien changés à leur chanson depuis la nuit des temps, et alors, en grattant une croûte sur mon genou et en éprouvant le cadre d'acier de ma fidèle bicyclette, je comprends que l'enfant en moi est encore là et que le vieillard, ébloui, est déjà là.

~~~

le vol essoufflé
de quelques papillons bruns
bientôt les feuilles mortes


~~~

Je comprends que le passé et le futur ne sont qu'un imaginaire écrin pour recevoir le présent et je repars dans le noir.
Je n’y vois rien…
Je ne vois personne et personne ne me voit.
Je déboule comme un diable perpétuellement accouché par les ténèbres et c'est très bien…


J’arrive !

L'arbre agité

l’arbre est agité
et bruisse dans la grisaille
il y a du vent
tous ces rêves qu’on retient
un jour d’automne s’envolent




Vendredi 21 septembre

Matin

j’aperçois l’aurore
nuances d’or et de rose
là bas sur les toits
l’esprit veut sortir du corps
du lit, de la maison… bah !


~~~

vapeur en cuisine
le chant de l’eau qui bouillonne
emporte les rêves
le café n’est pas si noir
en Colombie il est vert


~~~

odeur de savon
ce matin j’ai rendez vous
avec le miroir
las ! Pour décrasser mon cœur
il faudrait plus de lumière


~~~
 

Mercredi 19 septembre

Silence


silence
personne dans la neige
cette nuit

silence
dans le puits elle lâche
une plume

silence
des heures de palabres
pour un baiser

silence
juste après ce cri
plus rien

silence
exploration
de chat

silence
la lumière
fuit

silence
un pois
noir

silence
chut
d'air

Lundi 17 septembre


Coup de foudre

coup de foudre
la coquille de l’œuf se fendille


~~~


plus délicieuse qu'un pieu dans l'œil d'une baleine, entre deux passages de constellations, la nuit flagrante frissonne encore de tes tourbillons.

j'ai un pinceau de toi dans la main
de toi j'ai la soie d'un soir en fleur comme empreinte

je peins
je peins ta peau partie
je peins ce cercle de feu qui me reste de nos fiançailles primitives
un cercle rouge
ta bouche et ses émissaires griffus
tes attributs de déesse fétiche

tu ruisselles de lumière dorée comme si les étoiles te traversaient éclatant sur le papier les mouvements fous de mes souvenirs.

~~~


coup de foudre ~
la rose solitaire s'est envolée


~~~


plus délicieuse qu'un rassemblement de fruits rouges dans une feuille de menthe, entre deux passages de constellations, la nuit hurle encore et ouvre tes louves sous la lune qui montre ses dents.

j'ai un pinceau de ta soie
toi ma fuite merveilleuse
j'ai de quoi peindre pour mille ans

tu es partie sans arracher les tapisseries
tu as laissé les chants et les tonnelles fleuris pour l'éternité
tu es partie avant la ruine et c'est comme si tu étais toujours là


~~~


coup de foudre ~
le bruit est resté dans la terre


~~~


plus délicieuse que le point final d'un poème haletant, entre deux passages de constellations, la nuit noircit encore sa charbonneuse étreinte en l'honneur de tes robes noires

j'ai un pinceau de toi
j'ai gardé ton empreinte en moi
et ça va


~~~


coup de foudre ~
doucement le tissu se déchire


Presque rien

voltige ~
un papillon se jette
dans le vide

~~~

Partout la nuit
Aussi loin que je regarde
La nuit
La nuit
La nuit
Une immense absence
Noire
Glacée

~~~

tas de pierres ~
le vieux crapaud reste
dans sa bulle

~~~

Des ténèbres
Partout
Des vides
Des silences
Du néant à ne plus savoir qu’en faire

~~~

cortège nuptial ~
les cœurs à prendre
titubent

~~~

Il n’y a rien
Rien de rien
Pas même un parfum
Pas même l’ombre d’un doute
Rien dans le passé
Rien dans le futur
Rien

~~~

 banc public ~
mon cœur de pierre
sous la mousse

~~~

Rien de rien, je vous dit !
Alors, un peu de bon sens
Arrêtez donc de chercher
L’interrupteur

~~~

Petite vallée
remplie de brume et d'aurore ~
je ferme les yeux

~~~