La vieille dame

Je suis en terrasse. Je déguste la paix du petit matin et une grand-mère parfumée comme une gerbe de funérailles s’impose à ma table. Elle me raconte la mort de son mari, l’ingratitude de sa fille, sa passion pour son chien, ses affaires dans l’immobilier, puis elle me demande ce que je fais dans la vie…
- Je lui dis, je suis poète ! Ça rapporte qu’elle me dit ? Non, que je rétorque, mais on jette quant même l’argent par les fenêtres pour faire joli. Bon ! Qu’elle rajoute, je vais payer votre café.
 
 

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Une vie entière
le temps d’un défilé
de nuages

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Photo ☆ MV la ténébreuse

Aurore

Après vous Mademoiselle, l'Apocalypse c'est des vacances !

C'est normal de sourire, c'est humain, c'est même comme on dit une décontraction de l'âme, mais là mademoiselle c'était trop. Je suis sorti de votre sourire irradié.

Quelque pas plus loin, dans mon cœur une escalade, je me sentis incendiaire, j'imaginais brûler la terre entière par petits morceaux : les voitures, les maisons, les forêts, les champs de blé envahis de coquelicots, l'univers entier ruiné par la flamme que ce sourire imprévu avait planté dans ma poitrine.

Ce sourire infusé de gloussement et de bienveillances perverses vous l'avez tenu sans faillir, sans pudeurs, sans troubles, sans comprendre la tempête d'avenir illusoire dont il était l'engrais parfait.

Quelques pas plus tard, l'air brûlant et la chaleur moite de ce septembre caniculaire précipitèrent une explosion de foudre, de vent, et de pluies fouailleuses.

Votre chair je l'ai vus, vos yeux, vos dents, votre salive cachée dans ce sourire, votre bonheur, votre chance, votre jour, votre enfant, votre amour, votre intelligence, j'ai tout vu, tout était là, offert dans les vapeurs d'un produit d'entretien pour tapis roulant de caisse enregistreuse.

J'ai tout pris, et sous la pluie qui n'a rien refroidi, sous la fureur des éclairs qui excitait mon rire, j'étais comblé, heureux et tourbillonnant. Tout était clair, harmonieux, simple et bon !

Ton sourire (oui, on peut bien se tutoyer maintenant) est encore accroché sur mes lèvres, voilà, je le dépose sur le papier avant que la faucheuse qui passe souvent par chez moi l'emporte pour un enterrement lointain.


Après toi, l'Apocalypse, c'est des vacances...


Ginko 02 ~ La source

Sur le chemin
un papillon jaune citron
se presse
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Tumulte du ruisseau
si loin de la rocade
aux heures de pointe
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Une araignée sourde
a tissée sa toile au dessus
d’un torrent
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Il boit trop
l’infini figuier
de la source
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Sous la cascade
le menu fretin barbote
dans le jacuzzi
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Source d’inspiration
une haïjïn solitaire
au bord de l’eau
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Au bout d’un moment
le chant de la source
m’emporte
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Passion du crochet
les frênes tissent des dentelles
à contre-jour
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Bruit de botte
dans le ruisseau les écrevisses
frémissent
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Prémonition
un moustique hésite à se poser
sur mon bras
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Bouton d’or
rien de plus jaune
aujourd’hui
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Chemin du retour
dans la côte les polémiques
s’essoufflent
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Dernières courbes
mon bâton me ramène
au village


Tankas lunaires

Le défi du site "shortédition" : écrire un Tanka sur la lune, sans la nommer. Du coup j'en ai écrit plusieurs. 


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Au fond d’un cratère
un palais de marbre blanc
aux toits poussiéreux
tu t’y es mariée mon cher
et te revoilà sur terre
 

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Et voilà la cerne
de la folle Séléné
croissant incliné
tu te balances et tu fauches
les grands arbres de l’allée
 

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Mais quel est ce druide
qui laisse là sa faucille
d’argent dans les branches
celui qui perd ses outils
n’est pas digne de confiance 


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Tout en rondeurs blanches
vibrante dans tes halos
nuit de plénitude
douce courbure d’un sein
nous berce et nous assassine

 

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Sur la nappe noire
toute piquetée d’étoiles
sans doute une trace
un demi-cercle blanchâtre
laissé par un bol de lait 


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Poisson argenté
aux fins fonds de tes grands yeux
la planète bleue
tu la rêve depuis ta
mer de la tranquillité

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Ciel déchiqueté
tu suinte à travers les nues
globuleuse amie
fantastique apparition
tu es reine des fantômes
 

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Au clair de la terre
l'ami pierrot entends-tu ?
envoie moi de l’encre
car d’ange, d’oie, de corbeaux
il faut bien tremper sa plume