Corps à corps

Je n'avais pas encore clairement identifié la menace. J'avais bien quelques soupçons, de brèves fulgurances, juste de quoi planter un uppercut au foie ou un crochet au menton, mais la plupart du temps je luttais dans le brouillard contre un monstre aux ombres coupantes et que l'on nomme destiné.

Le terrain était ingrat et la bête mauvaise. La chance une putain toujours indisposée. Le combat inégal prenait beaucoup de temps et me laissait souvent à l'affût, immobile, les yeux malades de rage de ne rien voir de plus qu'une ombre un peu maussade. Les coups que je donnais, je les prenais aussi et ma victoire sans doute aurait été ma perte.

Il a fallu du temps et des litres de sang, des alarmes, des rires, des orgasmes éblouis pour que tu apparaisses enfin à la lumière. Toi mon unique adversaire depuis la nuit des temps. Alors, c'est fini les croche-pieds, les frayeurs subites, les mensonges prisons, les fuites indéfinies.

Tu es là. Le corps à corps nous berce. Nos lames essuient nos larmes roulant sur nos trachées. En plus d'être au combat, je ne suis plus jamais seul. On négocie, on s'aime, on parle, on se distrait. On dirait que la paix est possible parfois. Parfois non, mais l'on rit de cette atroce joute sans fin et sans merci qui unit nos deux forces.

J'apprends à te connaître, à me faire connaître, à te comprendre, à me faire comprendre. Notre différend c'est la peur, c'est l'ennui, c'est le corps et l'esprit, c'est la mort et la vie. Rien de bien méchant.

- Regarde là bas ! Non ce n'est pas un piège ! Il y a des arbres, de l'eau et des fleurs légères. Il y a aussi des pierres cent mille fois millénaires.

 Allons nous reposer un peu sous cette croix de fer !