Prose de Septembre IV

#prosedeseptembre

Tous les jours ouvrables de septembre, une dose de prose prosaïque, c'est mon défi de septembre ! Si c'est trop ennuyeux, ben c'est la vie !


Lundi 23 Septembre,

Je laisse mon potager en compagnie de la pluie. C’est rassurant de savoir qu'elle va tomber à tire larigot cette semaine pour mes boit-sans-soif de petites pousses.

Je pars le cœur léger, car mes salades et mes choux, mes épinards, la menthe en fleur et le persil, je les laisse sous la promesse d’un voile de gouttelettes, sous la caresse humide d’un drapé cristallin qui n’en finit pas de chuter paisiblement sur la terre assoiffée.

Vroum !!! La route est dégagée jusqu’à Bordeaux, à croire que la capitale régionale me déroule le tapis noir.

Premier cours de théâtre de l’année : de la grâce et de la terreur. Déjà, je m’attache ! Déjà, ils se racontent. Déjà et dans l’espace illuminé, sans les préjugés, les masques, les mensonges, la beauté de l’espèce humaine, se dévoile.

Mardi 24 Septembre,

Matin de ville. Tumulte de bus et de voitures. Croissants, cafés, cafés, croissants. Klaxons ! Éclats de voix, éclaboussures. La boulangère gère. La queue partout ! C’est le diable ou quoi ?

Le garagiste regarde ma voiture, il me prend à part, mauvaise nouvelle, il me tape sur l’épaule… Un devis ? Hors taxe ! Hors Taxe… Combien ? On va voir monsieur Pélissier. On va voir ! Mais vous roulez beaucoup ! Les pneus, c’est des savonnettes. Avec la pluie, si vous ne faites rien, ça va vous coûter plus cher ! La vidange ! Évidemment ! La vidange, regardez, l’huile est noire ! Je vais vous mettre du MOTUL ! Vous pouvez me faire confiance Monsieur Pélissier. Combien ! On verra ! On verra ! Y'a les plaquettes arrières, peut-être l'étrier, vous roulez beaucoup ! Repassez demain soir ! Allez ! Allez ! On s’en occupe !

Soir de ville. Tumulte de bus et de voitures. Sandwichs, cafés, cafés, cafés. Klaxon ! Éclats de voix, éclaboussures. La boulangère gère. La queue partout ! C’est le diable ou quoi ?

Mercredi 25 Septembre,

Paul Abadie, le constructeur d’église et Adolphe Thiers, le massacreur du peuple, ont leurs Avenues qui se croisent là. Une station de tramways, un arrêt de bus, des feux tricolores dans tous les sens, des parcs à vélo en libre-service, une banque, une église bien sûr, dessinée par Paul et au loin une jolie perspective sur le jardin botanique.

Le soir, les lampadaires illuminent de lumières orangées le dessous du feuillage des platanes. Sur ce tronçon d’avenue, ils n’ont jamais été taillés et s’élancent vers le ciel comme des coups de foudre. On se sent comme dans un ventre.

Et là, il y a un bistro, le bistro du Général Niel ! C’est un vieux pote à Napoléon III, qui s’est distingué à Constantinople, je vous en passe et des meilleurs…

Moi le petit homme vivant, je viens souvent ici boire un café avec ces trois grands. Je me pose en terrasse sous les platanes et j’invente des haïkus.

Une fille à béret rouge, un gars en imper qui cherche du feu pour son mégot, la pluie, les pigeons, l’église énorme, toujours vide, la rue, toujours pleine de moteurs furieux, les fines mosaïques mouvantes des lumières clignotantes des phares et des feux, la petite sonnette du tram, l’odeur du pastis, le bruit de la bière qui pétille, les petites cuillères qui touillent le sucre dans les tasses en porcelaine, un corbeau, un coup de frein, une poubelle renversée, une grosse femme qui se fâche avec son chien, les vélos, les étudiantes pressées et parfumées…

Incroyable !

Jeudi 26 Septembre,

Dans le centre commercial, une vie de rêve, partout. C'est très dangereux. Les gens me trouvent bizarre, je sifflote, c’est un sortilège pour éviter les effets hypnotiques des agencements maléfiques de denrées.

Je marche dans les rayons, dupé par les couleurs, par les prix, je papillonne, mais je résiste grâce à mon sifflotement magique, il dissipe les illusions…

Et là, juste avant d’acheter juste ce pourquoi j'étais venu là, paf ! Un vigile me parle et me le coupe, le sifflet :

- Hé, monsieur, où vous vous croyez à siffler comme ça ?
- À l’église Monsieur, à l’église…
- Vous sifflez dans les églises ?
- Oui, toujours, c’est pour éviter d’y croire !
- Et bien arrêtez ça, on n’est pas dans une église ! Ne déconcentrez pas les gens qui font leurs courses s’il vous plaît…

Et voilà comment je me suis retrouvé avec un paquet de gâteaux, deux boites de thon, une lessive révolutionnaire, des allumettes en promotion et un coca zéro… Il faut que j’apprenne à siffler dans ma tête !

~~~

Se garer ? Si loin ? Ici ? Bon ! Marcher ! Marcher ! Passages piétons… Pistes cyclables… Attention ! Un nouveau quartier ! Attention ! Attention ! On traverse, on s’arrête… On traverse, on s’arrête… Ce n’est pas là. Bah ! Une allée… Des chantiers partout. On monte et on démonte des échafaudages. On retraverse. C’est ici ? Oui ! Une dame cherche aussi ! Ouf ! C’est là ! Un cube de verre. Un couloir noir, puis gris, puis plus étroit, rouge. Un boyau rouge sang. Non, je me suis trompé de route ! Ça, c’est pour aller en enfer… Par ici monsieur ! Monsieur par ici ! J’écoute… Panneaux… Pancartes…. Logos… Jeu de piste… Pff ! Dans mon sac, une lettre d’adieu. Allez courage ! Un ascenseur. Un vestibule. Des portes que l’on pousse, que l’on tire, qui coulissent, qu’il faut ouvrir de loin, à deux, avec une carte, le doigt dans la serrure ! Des portes fermées. Des portes avec des si, des jours, des horaires.

L’angoisse monte comme une mayonnaise. Enfin, je trouve !

- Bonjour Messieurs Dames ! Je vous ai trouvés ! Qu’est-ce que je gagne ?
- On peut vous renseigner Monsieur ?
- Oui ! Enfin, non, je plaisantais… Je… J’ai eu du mal à vous trouver… C’est un peu inhumain ce bâtiment et ce n’est pas très bien indiqué ! Mais rassurez-vous, je n’ai pas fait tout cela pour plaisanter. Je suis venu vous dire que je m’en vais… Voici ma lettre de préavis.

Vendredi 27 Septembre,

Retour au jardin. La terre est ivre d’eau. Il a plu ! Tout est moelleux et croquant de vert. Une fois sur la pelouse humide, j’enlève ma chemise, mes chaussures, et je ris comme un fou. Le soleil se couche en rose ce soir. Je suis étourdi de bonheur. J’attrape une petite pomme qui dépasse du grillage, et je caresse les feuilles des choux entre mes doigts…

Un papillon blanc vacille !



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