Haïkus de plage

Mes premiers haïkus de plage :
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lèche-vitrine
avenue de la plage
cent parfums de glace
 

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vent du large
les grains de sable s'accrochent
aux grains de sable

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marée montante
un haïku secret
s'efface

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ma fortune
aujourd'hui
une poignée de sable

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dans le vent
des drapeaux
érection matinale

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château de sable
il était pourtant
solide

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grosse fatigue
au bout du rouleau
l'océan

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face à la mer
assis dans le sable
médusé

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tumulte océanique
le bruit de l'odeur
des algues

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L'euphorbe

Hier, vers 18 h, alangui par de longues heures de voiture et par une prestation éblouissante au cinéma Jean Renoir d'Eysines, je m’allonge au milieu des chèvrefeuilles et des herbes folles, au bord d’un plan d’eau, dans le parc de Majolan à Blanquefort, pour composer quelques haïkus et chercher le sommeil…

Et, alors que cédant à la pesanteur de mes paupières, j’accomplis presque totalement cette tentative d’assoupissement, sur le tronc de l’arbre sous lequel je m’étais installé, dans les bouclettes d’une mousse un peu sèche qui n’était pas sans me rappeler certaine bouclettes chères à mes lèvres de jeunesse, deux « Pyrrhocoris apterus », ou encore, « cherche-midi », appelé aussi, "soldat rouge" ou "gendarme", étaient en train de s’accoupler, (si on peut parler d’accouplement, tant le manque de sensualité émane de la posture dos à dos de ses bestioles en plein échange de liqueurs séminales).


Alors, juste avant de plonger pour un petit somme, j’ose une haïcouillonade bravache et je poste dans le groupe des spécialistes de la chose, j’entends des spécialistes de haïkus en langue française, groupe que pour des raisons évidentes, je n’oserais plus nommer de mon vivant….


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sieste microscopique
sur un tronc dans la mousse
deux gendarmes s'enc...


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Lorsque je me réveille, comme une fleur, au milieu des pâquerettes et des petits trèfles moelleux à tendances terrestres, mon premier réflexe sera d’ôter la mince couche de pétales de merisier qui jonchent mon corps d’albâtre offert aux mâchoires des brises printanières, et puis, me penchant au-dessus de l’onde claire de l’écran de mon smartphone, tel Narcisse, je m’en vais contempler les reflets frauduleux de ma beauté intérieure et regarder si, parmi les jolis haïkus que j’ai écrits dans ce parc édénique, certains avaient charmé mes amies et amis haïjïns…


J’avais un fol espoir, je misais sur un haïku incroyable :


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chanson du vent
la grande euphorbe
tout ouïe


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Il y avait tout dans ce haïku, du mystère, de la contemplation, et même le "ouïe", visuellement, pour qui connait les fleurs d’euphorbe, rondes, vertes et légèrement coniques, ressemblant à des oreilles d'extra-terrestres, même le ouïe, graphiquement, était assez juste pour évoquer ces inflorescences étranges que j’avais surprises à danser dans le vent tout à l’heure en dégustant à la maison des jardiniers du parc, une sorte de "bouiboui bobo", un coca zéro plein de glaçons garantis sans poils d'ours blancs.


Je m'étais bien creusé la tête !


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fleurs d’euphorbes
pour elles seules murmurer
un dernier secret


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à l’écoute de la planète Mars
les fleurs d’euphorbes
impénétrables


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Mais de toutes ces versions, aucune n’avait abouti... et seule la dernière me sembla tout simplement en équilibre avec le cosmos !


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chanson du vent
la grande euphorbe
tout ouïe


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Quel ne fut pas ma surprise de voir que le haïku qui avait le plus de commentaires et d’appréciations était celui des gendarmes… Et avec des questions en plus, complexes et pertinentes, auxquelles je ne me suis pas dérobé…


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MONSIEUR F : Comment font-ils pour s'enc… en même temps. En général l'un enc… l'autre ?


MA RÉPONSE : Je suis un peu désolé de m’apercevoir que cette haïcouillonade à propos des gendarmes déclenche tant de questions et de sollicitations, à croire que les haïjïns sont des adeptes de la gaudriole !


J'essaye d'écrire des haïkus rigoureux en observant la nature... et cette fois, rigoureusement, deux gendarmes, aussi appelés punaises du diable, me sont apparus, tout près tout près, alors que je m’allongeais pour une petite sieste, sous un charme, dans un parc, après une journée particulièrement mouvementée...


Les gendarmes s’accouplent dos à dos, et mon cher Monsieur F, il est pratiquement et malheureusement impossible de savoir lequel encule l'autre. J'ai pourtant utilisé la loupe de mes prunelles pour voir au plus près. J'ai senti leurs vibrations d'antennes, leurs souffles rauques d'insectes, mais au niveau de la connexion, la vérité, comme une savonnette sous la douche, s'est dérobée...


MONSIEUR F : Je suis désolé mon cher Jean Baptiste, le pouvoir de suggestion du haïku et son rapport au double sens, me fit voir deux mammifères mâles policés appartenant aux forces de l'ordre...

MA RÉPONSE : Et bien pour apaiser vos interrogations, je vous suggère de revoir la notion de temps linéaire lors d'un rapport amoureux, et d'imaginer, que pour le poète, - et même si dans la chronologie banale les choses sont à « la queue leu leu », j'entends que "les gendarmes en chair et en plexiglas de votre imagination tordue" pratiquent chacun leur tour - , et bien pour le poète, le rapport amoureux est un espace où le temps se télescope, donnant cette illusion gourmande d'interpénétration sans besoin d’accessoires superflus...

Ce qui me permet au passage de vous glisser un petit haïku d'amour inspiré de ces phénomènes d'abolition du temps et de l'espace...


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nuit d'amour
entre ses bras en trois secondes
mille fois le tour du monde


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J'espère avoir dissous vos doutes Monsieur F, je vous souhaite une bonne journée, et mille fois pardon si vous faites partie des forces de l'ordre et que votre œil encore plein de larmes dont on ne sait jamais si c’est du lard du cochon ou du gaz lacrymogène, me laisse tout désarmé pour prévenir votre suicide de mes embrassades et autres tendresses à la chaine de vélocipède.


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J’ai clos la discussion, et j’ai élargi ma méditation… Une envie de partage et de témoignage m’a traversé et je me suis lancé dans cette rédaction que pour le plaisir de vos pupapilles, je vais clore avec un vieux haïku de ma collection privée.


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duo de mouches
celle du dessus
pinaille

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Haïkus de printemps

Le printemps suit sont cours, dans le fleuves du temps, les pétales, les uns après les autre coulent vers l'abime composteur... Dans le parc de Majolan à Blanquefort, il y a des petites fleurs, et des haïkus qui trainent !

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pétales de cerisiers
dans le cœur des flocons
de folle avoine


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sur le vieux mur
explosion de glycine
Pan est de mèche

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allongé dans l'herbe
ce ciel ! une plaque de marbre

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chanson du vent
la grande euphorbe
tout ouïe

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assis sous un charme
au printemps
j'ai trouvé ma place

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pleine lune
ce soir où les pâquerettes
complotent

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