Pire qu'elle

Dans ses voiles ma princesse érotise les papillons de nuit. Son appétit de vent, de rosée et de poussière valse dans les ondes de ses dentelles de soie.

J'adore ses acrobaties, ses jeux de balançoire, et sa façon sournoise de me lorgner, farouche et fragile, cachée dans un coin de la pièce.

Elle vient boire à mes lèvres la nuit. Elle aime ma buée de rêveur.
Sur ma peau blanche, un peu tiède, elle passe affolée sa caresse étrange, comme un frisson maléfique.

Je la sens furibonde et câline s'accrocher à mes commissures pour un baiser inédit. Parfois, folle, grisée par ma fièvre, elle va jusqu'à s'engouffrer dans ma bouche pour que je la respire... et que je la soupire.

~~~

araignée d'automne
au fond je le sais je suis
pire qu'elle

~~~


Grand-mère

Créature flamboyante, ma grand-mère, forte de ses immenses griffes rouges, de son goût pour les fume-cigarettes, pour les scandales et la nudité, gagne la palme des entités récurrentes dans mes espaces oniriques.

Avec ses talents de conteuse, de pianiste, et son passé trouble de mère au foyer hystérique, prétendument responsable de cette armée d’oncles et de tantes aussi hétéroclites qu’une portée de chats de gouttière, elle a marqué au fer chaud mon enfance rêveuse.


Souvent assise à la place du passager, à coté de moi dans la voiture, elle prend de mes nouvelles gentiment avant de me rappeler en se décomposant qu’elle est morte et enterrée depuis longtemps.


~~~


Héritage ~
dans la rivière asséchée
des torrents de mémoire

~~~


 

Été indien

Je glisse régulièrement sur les courbes de la nationale 10, "N10" pour les intimes. Elle relie Paris au Pays Basque avant de se dissoudre en Espagne sous d’autre nom.

Régulièrement, à vitesse modérée, je glisse entre les collines boisée, et alors que d’un œil je double des files sans fin de camions grelotants de fer, de l’autre, je me perds dans d’immenses prairies de nuages.


J’en profite ainsi pour évaluer l’avancée des saisons en scrutant l’état des feuillages qui défilent à cent-dix kilomètres heure, tapis sur les bas-côtés.


En ce mois d’octobre ensoleillé, le constat est délicieux, et je tiens à vous prévenir, car rien n’est anodin lorsque l’on parle du temps qui passe : l’automne est en embuscade.


~~~


été indien ~
déjà quelques plumes
rouges


~~~

Le 20/10/2018






Haïkus estivaux 2018

Premier jour d'été ~
le caneton déambule
sur les nénuphars


~~~


La lune
un bleu sur le ciel


~~~


Vieille voie ferrée ~
le parfum des buddleias
partout dans la nuit


~~~


Roses pâles
soir gris


~~~


En route vers la mort ~
ah ! ces avoines sauvages
de plus en plus belles


~~~


Pucerons ~
le figuier en a plein les c...


~~~


Accident grenadine ~
les mouches butinent
le verre brisé


~~~


L'huitre s'ouvre ~
pleine lune


~~~


Tombée du soir ~
un oiseau peinturlure
au fond du bois


~~~


Pleine lune ~
je couve quelque chose


~~~


Infusion de tilleul ~
je trempe l’arbre entier
dans ma tasse


~~~


Nuit d'été ~
les robes légères frissonnent


~~~

Tic tac tic tac tic ~
une araignée se balance
dans le candélabre


~~~


Coup de foudre ~
la rose solitaire s'est envolée


~~~

Une pincée d'hirondelles
par dessus le toit
le ciel bleu


~~~


Jour de canicule ~
l'ombre de Charles Baudelaire


~~~


Ballade en forêt ~
je me vois bien vieux par ici
allongé dans un trou


~~~


Sueurs froides ~
j'ai eu chaud


~~~


Victoire bleu nuit ~
les éclairs se mélangent
aux klaxons


~~~


Le chant des pipistrelles ~
un filet de citron sur la voie lactée


~~~


Fermeture de l’ordinateur
sept mouches d’un coup
piégées dans le gaufrier


~~~


Regarde cette fenêtre rouge
c'est un haïku me dit ma mère


~~~


Quarante cinq ans ~
les enfants se disputent
pour souffler mes bougies