Nuit d'hiver

Cette sensation parfois quand tu la regardes passer à la fenêtre avec sa trainée d'étoiles et de nuages pomponnés par la lune. Ou tu sais ! lorsqu'elle saupoudre une cage de pluie glacée que tu vois hachurer le cône de lumière du lampadaire et que tu en arrives à prendre pitié des limaces perdues là-bas dans le verger en ruine.

Et puis tu sais à partir du moment ou tu l'as vu tomber, dans un bain de sang, c'est interminable, et avant que le jour se lève, tu as le temps de mourir cent fois dans ce vieux fauteuil de cuir.


Frissonnant de fièvre et de dépit tu tournes les pages de ta vie, ce livre idiot dont le début te plonge dans les eaux boueuses de la nostalgies et dont la fin sinistre te file des sueurs froides. Tu parles d’un suspense !


Alors bien sûr, il y a parfois des compagnons de voyage : un chien, un chat, une femme, un enfant, que sais-je une guitare... mais ils dorment.


Derrière leurs paupières, tu sais des îles tropicales, des poissons multicolores, des bulles de savon pleines de musique et de sucre, mais ce n’est pas pour toi, ton rêve, il est là, accroché au réel, c’est un feu dans ta boîte crânienne, une envie de vivre multiplié alors… tu profites de chaque seconde pour sentir l’usure, le lent, le très lent processus de la fin des temps.


Avec tes yeux en orbite autour de cette solitude effrayante de celui qui cherche ses mots, tu la regardes passer à la fenêtre dans les vapeurs de ton cher café.


~~~
nuit d'hiver
un train sans fin
s'éloigne
~~~




C'est pas qu'elle me fait peur

C'est pas qu'elle me fait peur, mais c'est qu'elle me serre. Lorsque que le grand jaune bipolaire file éclairer les ricains, alors que la chaleur se tire et que petit à petit les étoiles apparaissent, elle en profite et se rapproche de la maison. J'ai beau allumer les lumières, boire du café chaud, brûler du fuel dans la chaudière, plus elle avance et plus elle me serre.
Au bout d'un moment, c'est insupportable, il faut partir, se cacher, se comprimer dans les ténèbres et fermer les yeux pour ne pas voir sa dépouille obscure.

~~~


enclos de la nuit
lentement des vagues de silence


~~~


allongé dans ce lit
comme dans un cercueil
il fait un peu froid
je tire sur le linceul
je pense à la forêt
dans les brumes violettes
au hibou qui déchire
la frêle musaraigne
à ces larves, ces cloportes
à tout les xylophages
qui grignotent en silence
dans leur trou
sans lumière


~~~


solitude
bordel de merde j'ai encore oublié
de sortir les poubelles


~~~


Je compte mes dents avec la langue, je déguste ma salive, le goût du dentifrice à la menthe me rappelle ce ruisseau de basse montagne où la nymphe infuse pour moi ses floraisons dans le courant émeraude chargé d'éclairs d'argents... Je la bois toute entière allongée dans le ru, ses cheveux ont des ondes pour moi.

~~~


odeur de la lessive
perché sur le radiateur
un couple de chaussette


~~~

C'est drôle et triste à la fois, être un personnage de roman inachevé, être au pied du mur, à la merci de l'inspiration et rester pour toujours à tourner sur la route, dans la première scène du chapitre 33, sans savoir, ce qu'il adviendra pour l'éternité...

~~~


un chien aboie
aucune caravane
à l'horizon


~~~


Et Morphée, ce tocard, découche encore une fois. Il ne me reste qu'à gratter les draps en hommage aux xylophages, creuser sous la couette, jusqu'à la mort ou jusqu'au jour, il faut bien s'occuper...


~~~

là bas dans la cuisine
à qui chante t'il sa complainte
le réfrigérateur ?



Gilles & Jones

écalage des noix
entre deux craquements une pensée
pour les gilets jaunes


~~~


fantaisie d'automne
un gilet jaune vert de rage
passe au rouge


~~~


Gilles & Jones
pour Noël on casse
les prix


~~~


avec ses chèques en bois
l'état enfile
le gilet jaune


~~~


bandes réfléchissantes
tous ces gilets jaunes qui vont aller
se faire voir...


~~~


acte treize
un mimosa précoce incendié
par les forces de l'ordre

~~~

Ben ah la la !
dans son fauteuil en osier
Emmanuel rit jaune

~~~

piste jaune
tout schuss la république en marche
sent le sapin

~~~

épluchage des oignons
entre les larmes une pensée
pour les gilets jaunes


~~~

Et un lien pour une petit portrait d'actualité, inspiré de ma jeunesse de Smicard... à l'époque, les allocations logements couvraient juste le montant de mon loyer, j'étais au chaud, et quand je bossais c'était pour partir en vacance ou pour acheter des fruits exotiques ... à propos les allocations logements, c'est qui qui les touchent, les locataires ou les propriétaires ? Il y a un truc qui cloche... non ?

https://www.facebook.com/jeanbaptiste.pelissier.71/posts/10156742828318516

Pour les flippés de Noël

Pour les flippés de Noël, un petit conseil : personnellement, j'ai fait comme si de rien était, et c'est passé tout seul. A peine quelques relents de noirceurs juvéniles à faire mitonner en tercets...

~~~


une mouette glisse
sur le ciel gris
le fleuve s'écoule


~~~

sapin de Noël
empalée sur la cime
Venus


~~~


matin de Noël
cette nuit
j'avais oublié le ciel


~~~


sapin de Noël
il n'y a que le mien
que je supporte


~~~


matin de Noël
en cadeaux le chant
d’une tourterelle


~~~


sapin de Noël
déjà de la poussière
sur les boules


~~~


matin de Noël
mon café
toujours plus noir


~~~


oh ! cette femme
une montagne
sous la lune


~~~


Je vous souhaite à tous de succomber... encore et encore aux mirages de l'amour, et je vous encourage à faire un gros tas de sapins morts sur les champs Élysée samedi prochain.

Cassis Citron

ce ciel !
un mur de béton


~~~


rosé des prés
oh ! ce cheval...
un fantôme


~~~


cassis citron
le chevreuil saigne
dans la neige


~~~


dimanche
un glas égaille
les corbeaux


~~~


à la lucarne
une petite
nuit

Dimanche pluvieux

Les jours gouttent, un à un et m'enchantent. Je n'arrive plus à m'ennuyer et pourtant, j'ai bien l’impression que cette société est une fabrique à ennui. Les petites musiques, les informations, les images, les slogans, les discours, les démarches, les papiers, tout cela revient en boucle comme une roue dentelée qui entraine une autre roue dentelée qui entraine une autre roue dentelée et ça tourne pour bien nous écraser la tête, mais avec moi, ça marche pas, je regarde ailleurs.

~~~


ils me prennent
pour un épouvantail
les oiseaux du jardin


~~~


soleil couchant
le vent étire les ombres
jusqu’à la nuit


~~~


ces champignons ?
tous bidons !
ce soir soupe d’ortie…


~~~


lune rousse
le crapaud frigorifié
cherche des vers


~~~


petit matin
dehors rien qu'un fantôme
de jour


~~~


avion de chasse !
deux trois corneilles s’arrachent...
du champ de vision


~~~


bric-à-brac
du vrai formica
et du bois en toc


~~~


fine brindille
le moineau se perche
délicatement


~~~

dimanche pluvieux
découpage de papiers
multicolores

Derrière le bus

Bon ! ben quoi ? c'est l'automne ? ben oui ! je sais ! ça se voit non ? comment ? hein ? oui je suis dur de la feuille ? ah bon ! ça se discute non ? comme vous voulez ! j'entends rien de toute manière ! à propos... avez- vous vu comme c'est joli... l'automne ?

~~~


derrière le bus
pour les petites feuilles
c'est le bal de fin d'année


~~~


un pré bleu de givre
des tas de vaches à viande
fumantes


~~~


ce platane !
croyez-vous qu'il mettrait ses feuilles
à la benne ?


~~~


l'aube se pointe
sous son pull on aperçoit
les tétons


~~~


grand soleil
je grelotte sous une pluie
de feuilles jaunes


~~~


si large le fleuve
dans la brume là-bas
peut-être une île


~~~


odeur de feu bois
aux couleurs de l'automne
les gilets jaunes


~~~


Juste pour dire, profitez bien du temps qui passe, chaque jours, même s'il ressemble aux jours d'hier et aux jours de demains, chaque jour est un joyau joyeux.

Dans la forêt

grand vent
dans la forêt
le bruit de la mer

~~~


lueur d’automne

sous les charmes
une pluie d’or

~~~

vieille souche
une bande de champignons
complotent

~~~


automne prismatique

dans le noisetier le soleil joue
avec ma pupille

~~~


ce chêne

quel calme !

Onze novembre

onze novembre
le monument aux morts
déserté

~~~

ciel de plomb
l'érable lâche ses feuilles
une à une

~~~
sycophantes
ces peupliers qui balancent
la direction du vent

~~~

hanté par le gui ...
échevelé ... ce saule pleureur ...
épouvantable !

Déménagement

déménagement
on déracine
les vieux meubles

~~~


déménagement

d'un soupir j'emporte
tous mes haïkus

~~~


déménagement

face à face avec le camion
des éboueurs

~~~


déménagement
toute seule au fond du camion
une chausette

~~~


déménagement
une pizza surgelée
en roue de secours