Les escargots "façon haïbun"

Sur la piste cyclable qui longe la rive droite la pluie étale une pellicule brillante sous la lumière des lampadaires. Des prairies de luzerne et de folle avoine alentour, les escargots jaillissent, véritables bolides de glaire et de calcaire.

Ils jaillissent, grisés par la pluie et l'eau mais depuis mon guidon de vélo, ils ne sont que de petites pierres vivantes, immobiles.


Immobiles parce que tout est relatif et que moi aussi je jaillis pressé de rentrer au chaud et au sec dans ma coquille bien douillette.


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premiers froids
je regarde les bûches
avec gourmandise


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J'évite les gastéropodes, mais comme il y en a de plus en plus, je me retrouve à zigzaguer comme un zigoto. Un instant, juste un instant, je renonce, aigris, agacé par la pluie glacé, criminel endiablé, oui ! je craque.


Au premier bruit de coquille sous mes pneus, je me remets à zigzaguer comme un zigoto, plein de honte et de douleur comme si c’était mon cœur en personne que j'avais écrasé.


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dans la cheminée
un morceau de châtaignier
feu d’artifice


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Le lendemain à la même heure, sur le même trajet, le goudron est sec et la lumière des lampadaires révèlent les traces de salive de mes amis de l'autre soir.


Les dessins argentés, moirés et tarabiscotés finissent parfois par un petit tas noirâtre, sans croix ni fleur.


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le perce-oreille
prend la poudre d’escampette
l’écorce flambe


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J'ai toujours pensé que les escargots étaient des extraterrestres, arrivés de l'espace il y a des millions d'années dans un vaisseau coquille collectif, ou bien dans des œufs agglomérés en une immense grappe de bulles multicolores, et qu'ils colonisaient doucement notre planète.


Depuis tout petit, je regarde avec inquiétude les dessins étranges que leurs mucus en séchant laisse sur les murs, hiéroglyphiques reflets de leur intelligence et de leurs tentatives désespérées de communiquer.


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matin brumeux
sous les cendres tièdes
un œil de braise


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C'est tellement difficile de se faire comprendre. On fait comme on peut, on prend ce qu'on a, des traces brillantes, ce n’est pas le pire des outils.

Moi aussi je laisse des traces brillantes. J'essaye désespérément de me faire comprendre juste avant de me faire rouler dessus par l'inique et froide indifférence des usagés de la piste cyclable.
Je donne des coups de langue, des coups de pinceaux, de mots, de son, de matière, de folie, de poésie.

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feu de tout bois
dans la fêlure une flammèche
multicolore



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