Calendrier de l'Avent : Vendredi 08 Décembre

Renouer avec les perspectives familières d'une ville qu'on a sue et qu'on a oubliée. Se dire, je connais ces toits, ces fils électriques, ces abîmes d'escaliers. Je connais ce dédale de portes et de fenêtres. Je connais ce square et cette allée sinueuse, ces murets, cette lumière, cette statue...

Renouer avec l'atmosphère familière d'une ville qu'on redécouvre amicale alors qu'on était parti fâché, plein de mépris et d'ennui. Se promener et derrière chaque place, chaque enfilade de pierres et de rayons de soleil, sentir les errances de sa jeunesse, comme de petites truites, remonter le courant du temps pour venir frétiller sous la paupière...

Renouer avec les grincements d'un plancher qui nous a vus ramper. Se dire, tout est minuscule, tout a rétréci. Cette porte, ce couloir, cet escalier en toc et ces angles impossibles, cette armoire, ce radiateur toujours trop chaud... Tout est minuscule... S'asseoir précautionneusement dans la cuisine et regarder une dernière fois par la fenêtre...

Renouer avec les arbres d'une ville qu'on a laissée derrière soi pour grandir. Se dire : ils ont grandi eux aussi. Ils sont énormes. Ils soulèvent le goudron, cassent le trottoir, effrayent la statue profanée, ombragent mortellement la pelouse. Je les ai vus, brindilles, juste plantés avec une étiquette et du grillage autour du tronc. Ils ont grandi...

Renouer avec la monstruosité du temps qui passe dans une ville que la mémoire éclabousse de nostalgie. Ne rien se dire en revenant sur ses pas. Se laisser enivrer par le parfum de la mort, ce foulard poussiéreux qui se noue autour du cœur lorsqu'on regarde derrière soi.

Renouer avec soi, la peur, la folie, la douleur, et garder un sourire enjôleur pour la boulangère qui vous prend pour un étranger...