Le dernier bûcher

Tu as choisi la colline de mon enfance, là où les fleurs sont jaunes, si jaunes qu'on l'appelle la colline aux étoiles de terre. J'y suis allé souvent, regarder le soleil mourir, alangui dans ce bain de ciel de lumière et de sang. Ici j'ai chanté sur les pierres, la vie, le vent. Mes cheveux dansent encore dans les grandes masses d'air qui se chahutent sur les flancs herbeux.

Tu as choisi du bois, du bon bois de hêtre et de bouleau. Des branches de bois mortes dans cette forêt, dans cette forêt où j'ai traîné, où j'ai laissé traîner mes doigts, mes doigts qui caressent le monde en chantant. Quelques uns de mes meilleurs amis, crapauds, mulots ou corbeaux, t'ont vu ramasser les branches dans les feuilles, ces feuilles où je dormais souvent, où je dors ivre de l'odeur de la terre.

Tu as choisi le printemps, et le ciel est à la démesure de cette saison d'apocalypses où l'on peint les averses dans les pommiers détrempés. Poignées de pétales balancées de nids en arcs en ciel foudroyés, perles d'argent dans les lames vertes du pré bouleversé et tous ces cœurs qui se gorgent à crever de désir, de miel et de charogne.

Tu as choisi le feu, pour en finir. Je chante dans la fumée. Le souffle de la braise me grise en me grillant et l'odeur d'un festin arrive à mes narines. Je ris et chaque éclat est une graine qui sème le rêve ici bas, sur ta planète sans sorcière ni magie.