Inventaire Botanique

Il y en a des plantes, dans les gorges de l'Arac :
Des aulnes, des saules, des tilleuls, des sumacs,
Des robiniers, des érables, des châtaigniers,
Des ormes des montagnes, des hêtres, des noisetiers.

Depuis mon automobile j'observe les pissenlits.
Pas gênés les cons ! Ils poussent à ras l'goudron,
Avec le plantain, et puis l'chiendent aussi.

Plus loin dans le fossé, les orties avec passion
Annoncent un sol riche, propice aux ombellifères
Aux berces, à la ciguë : celle qui emporta Socrate.

Un sous-bois abrite des scabieuses délicates,
J'imagine à leurs pieds, des géraniums Robert.
Sous l'ombre cristalline et sombre d'un grand frêne
Peut-être des violettes, des fougères qui se rouillent

Un chèvrefeuille tout seul, perdu, pendouille
Je le sens, citronné, dans le brouillard des prêles.
D'immenses cortèges de balsamines au désespoir,
Car le soleil n'est plus aujourd'hui qu'un souvenir,
Agitent leurs fleurs fades, roses et blanches. L'ivoire
Des reines-des-prés calment les fièvres à venir.

Un peu en contrebas, des renouées du Japon
Forment de grands buissons au bord de la rivière.
Les arbres rescapés de cette triste invasion
Offrent leurs squelettes à notre ami le lierre.

Sur le schiste dénudé, la bande des bryophytes
Et d'étranges graminées gardent leurs noms secrets.
Sinon, ruine de Rome, capillaire, sedum étoilé,
Et dans les coins cachés les scolopendres qui profitent.

Je roule tranquillement, les locaux me klaxonnent !
Qu'ils doublent ! Ils sont pressés ! Ils ne manquent pas d'air.
Tiens, un versant calcaire ! Voilà qu'les buis foisonnent !
Les fragons et les houx s'offrent aux lichens verts.

Une épingle à cheveux, vroum ! Nous voilà vers le sud.
L'origan Marjolaine au milieu des épis
Chante pour mes gigots. J'entends presque le "oud"
En frôlant les fenouils et leurs fleurs jaune anis.

Parcimonieusement, comme pour nous distraire,
Un bâtonnet d'encens trempé dans la moutarde !
C'est la molène noire qui joue les filles de l'air
Quand celle au bouillon blanc concurrence la bard-
- Ane, qui par ici, est une plante éléphant.

Décidément ces berges, véritable écotone,
Offrent une diversité, un panel étonnant.
Dame nature, notre mère est trop bonne.

Sortant du lot, on voit dans les villages,
Des rosiers fuchsias, rutilant bien pomponnés,
Des liserons vrillés sur quelques vieux grillages,
Et des pommiers anciens, parfois même des palmiers,
Des bambous, des thuyas, des prunus écarlates,
Des mélèzes bleutés, des glycines enfleurées,
Des bignones, et des campanules des Carpates
En lutte avec les joubarbes sur les murets.

Je vous passe les hérésies du père Bud
Et son arbre à papillon. Les paraboles
Des carottes sauvages. Elle en eut de
De notre bonsoir, dame sureau, la folle ;
Qui derrière ses feuillages sulfureux
Cache des portes pour le monde des fées.

Il y avait bien d'autres plantes, pardonnez-moi du peu,
Mais j'étais au volant, l'endroit est escarpé...
C'est l'heure de mon café avec les belles-de-nuit.
La vigne vierge s'ennuie, malgré toutes ses abeilles.
Mes pieds nus dans le trèfle, ma tête dans l'millepertuis
Je cueille ce poème que j'ai semé la veille.

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